CRAPOUILLOT juillet 1933 |
P 65-71 |
HITLER AU POUVOIR |
Premières
applications du programme Hitler, dès quil eut obtenu des pouvoir dictatoriaux, commença méthodiquement lapplication de ce programme que ses adversaires jugeaient fantaisiste et irréalisable. Alors que " Les Pays " la Bavière en particulier paraissaient hostiles à ses desseins, il réalisa par décrets sans soulever aucune protestation, lunité de lEmpire, parachevant luvre de Bismarck ; supprima purement et simplement le parti communiste ; sempara des syndicats libres et social-démocrates et confisqua les biens socialistes, sous un vague prétexte dirrégularités dans les comptes ; fit livrer aux flammes, comme au moyen âge, les livres de ses ennemis ; organisa le travail volontaire ; fit poursuivre pour malversations des hommes de tous les partis, et même, pour faire des exemples, des personnalités influentes du parti national-allemand. Ayant supprimé lopposition de gauche il se tourna vers le parti monarchiste mit à pied le vice-président des Casques dacier Duestenberg, qui avait eu laudace de se présenter contre lui à lélection présidentielle et imposa à la toute-puissante " Fédération des industriels allemands " (Krupp, Von Bohlen, Roechling, etc.)un commissaire de contrôle nazi. Enfin, toujours fidèle à son programme, il sattaqua de front aux Juifs, ordonna le boycottage de la pensée juive et libérale (qui, pour lui, ne font quune) et le boycottage du commerce juif... Les proscriptions Les communistes, les social-démocrates, les catholiques, brimés par le nouveau gouvernement, s'étaient à peu près tenus cois. Trahis par des chefs dune lâcheté sans exemple, "le Front dairain ", la "Bannière dEmpire", le "Front rouge", sétaient effondrés. Mais les israélites menacés, sinon de mort, du moins de ruine, commencèrent d émigrer en répandant dans les pays voisins les horrifiantes nouvelles de la terreur instaurée par la dictature raciste.
" Lheure de lintellectualisme est passée!" sécriait Goebbels. Et le monde, avec stupéfaction, saperçut alors que les Juifs et les libéraux maltraités et chassés de leur pays constituaient à peu près lensemble des personnalités dont le génie ou le talent faisaient la gloire des arts, des lettres et des sciences allemandes à létranger : étaient proscrits en effet : Einstein, le célèbre physicien, dont le gouvernement saisissait la fortune ; les écrivains : Ludwig, lauteur de "Napoléon"; Zweig, lauteur de "Vingt-quatre heures de la vie dune femme" ; Remarque, lauteur de "A lOuest rien de nouveau" ; Tulcholsky, Léonard Frank, Heinrich et Thomas Mann, Von Unruh, Ernst Johannsen, les romancières Vieki Baum et Adrienne Thomas, le metteur en scène Reinhardt ; les dramaturges Kayser, Brückner, lauteur des "Criminels", et Sternheim, les cinéastes Wiene ("Caligari"), Pabst (" lOpéra de Quatre Sous "), Fritz Lang ("Métropolis "), Eric Pommer ("Le Congrès samuse"), Lubitch; le grand critique Alfred Kerr, le Dr Magnus Hirchfeld, fameux spécialiste de la sexualité, dont le musée berlinois unique fut entièrement saccagé ; les architectes Kaufmann et Mendelsohn, le décorateur Rosenthal, le compositeur Kurt Weill, le chef dorchestre Bruno Walter Les intellectuels allemands connaissent actuellement le même cas de conscience et les mêmes tourments que les Russes impérialistes ou républicains après la révolution bolchevik, Sieburg, qui a pris parti pour 1Hitlérisme, a transcrit dans son dernier livre le tragique dialogue de deux écrivains allemands, lun qui abandonne son pays par haine du nouveau régime, lautre qui entend demeurer aux ordres de la patrie quel que soit le régime : "Cette liberté que tu crains mest indispensable à moi, déclare le premier. Je sais aujourdhui quil mest devenu impossible dadmettre lAllemagne en tant que principe collectif; par contre, lAllemand européen, lAllemand intellectuel, en un mot lAllemand goethéen est mon frère, je le comprends, et je peux reconnaître en lui ma propre nature. Mais les assassins de la Sainte Vehme, ces assassins rouges, ces hommes de violence dont le dernier mot est toujours larme ou le poing; ces tambours, cette Allemagne éternellement au garde à vous ou au pas doie! Et pourtant ceux qui la forment, lorsquils avaient unie vie privée, étaient des hommes ! Non, je puis mentendre avec n importe quel Européen cultivé, si étrangère que me soit sa langue, mais non point avec des compatriotes qui ne se servent de la langue de Goethe que pour nier la pensée et la croyance dautrui." Et lautre écrivain cest Sieburg lui peint la vie de déraciné qui attend le proscrit loin de sa patrie : " ... Tu finiras par nêtre plus quune sorte démigré, retiré dans un beau pays sans doute, mais dans un pays étranger, un émigré qui ne pardonne pas à son peuple de suivre son propre chemin. Peut-être vas-tu trouver cela très flatteur, tu es tout prés de létat desprit dun Heine ou dun Nietzsche. Tu seras plein de fiel et chaque fois que lAllemagne saura se passer de toi, lamertume de tes critiques en augmentera dautant. Dès à présent, tu refuses même déduquer ton pays, mais tu veux le changer dans sa nature. Il ne tobéira point. Et tu nen seras que plus aigri parce que, dans le secret de ton cur, tu sens fort bien quil est impossible dêtre un écrivain allemand sans donner ton adhésion pleine et entière à lAllemagne. Ton peuple poursuivra son chemin obscur, il luttera dans lerreur et dans la misère, niais, de jour en jour, il gagnera en consistance, en cohésion, en unité, et tu tapercevras finalement que ta voix, jadis si vivante, ne raisonnera que dans le néant. Et tu seras seul avec ton Humanité." Le roi de la gaffe Cette mise hors la loi de toute pensée libre ne pouvait manquer de Provoquer dans le monde civilisé et spécialement clans les pays anglo-saxons, enclins au libéralisme, un très vif mouvement de réprobation, qui ne fit que croître à mesure que se propageait les récits des sévices infligés par la soldatesque nazi aux israélites allemands. Cest le moment que choisit M. Von Papen, vice-chancelier, pour flétrir le pacifisme dans un grand discours, déclarant que tout bon Allemand devait préférer mourir dans les barbelés avec un éclat dobus dans le ventre que tout bêtement dans son lit, vaincu par lartériosclérose. Il y a chez les Allemands, et particulièrement lorsquils sont " hommes du monde " une sorte de génie irrésistible de la gaffe, dont M. Bethmann-Hollweg, avec son chiffon de papier, donna jadis un exemple inoublié. M. Von Papen ne se doutait peut-être point quil allait révolter le monde en citant la vieille chanson du troupier allemand "Il ny a pas de plus belle mort que celle que lon reçoit des mains de lennemi." A la vérité, cette affirmation gratuite existe , identique dans les refrains militaires de tous les pays du monde et les paisibles orphéons de tous les villages français, aux distributions de prix, affirment de même :" Mourir pour la patrie, cest le sort le plus beau,le plus digne denvie... " Mais M. Von Papen vociférait sa banale harangue au moment précis où le monde entier surveillait avec une inquiétude passionnée les agissements du " Tambour-Major " au pouvoir... Et lallusion à lartériosclérose fit déborder lindignation universelle... Retournement de lopinion mondiale Depuis plusieurs années, la France était considérée dans presque tous les pays étrangers comme une nation impérialiste et ultramilitariste qui empêchait le désarmement européen. Tous les caricaturistes étrangers représentaient une Marianne bardée de fer, accroupie sur son tas dor et le Français était universellement symbolisé par une sorte de général à plumet en tenue de cuirassier 1914, tenant sous ses bras toute la gamme des armements, du tank au canon de 400. Tandis que la malheureuse Germanie, écrasée, après une lutte courageuse et inégale, maintenue désarmée et encerclée par les vassales de la France arrogantes et surarmées, inspirait les sympathies du monde entier. Quelques rodomontades radiodiffusées dHitler et de Von Papen, quelques autodafés rappelant Torquemada et quelques bastonnades ou assassinats, suffirent pour opérer - en quelques jours - le plus étonnant renversement des opinions et redonner à lEmpire allemand, aux yeux des Anglais, des Américains, de tous les peuples, sa face menaçante des années terribles... Le inonde entier sest écrié passez-moi le mot " Voilà ces emm... qui recommencent ! " Jamais, depuis 1918, la France, au point de vue diplomatique, neut daussi beaux atouts en mains : Tandis quà Londres se déroulaient de grandioses manifestations contre les persécutions antisémites, retentissaient à la Chambre des Communes les discours dune violence rare de Chamberlain et de Churchill, et Lord Hailsham nhésitait pas à réclamer des "sanctions". peut-être une réoccupation anglo-française de la Rhénanie... A New-York, le président Roosevelt sinquiétait et faisait les gros yeux, lançait son fameux message où, reprenant lidée généreuse de Wilson, il semblait offrir la garantie du Nouveau Monde contre une agression nouvelle. |
Le cher allié Mussolini,
surpris par la rapidité des événements et résolument hostile à lAnschluss, marquait
le coup en portant très ostensiblement un toast à la prospérité de la
"République" autrichienne. LAutriche elle-même qui, la veille, semblait
prête à se jeter dans les bras de ses frères allemands, se reprenait soudain et,
redoutant de nêtre plus quune province dans le IIIe Reich,
entendait défendre sa souveraineté nationale. La Tchécoslovaquie, la Roumanie et la
Hongrie prenaient contre la propagande hitlérienne des mesures dune extrême
rigueur. Tous les voisins de lAllemagne, de la Pologne à la Hollande, de la
Belgique au Danemark, frémissaient dindignation. La Russie soviétique enfin, qui
jadis avait signé son premier traité de commerce avec lAllemagne, se rapprochait
automatiquement de la France, faisant le geste symbolique denvoyer à Paris comme
premier attaché militaire lex-généralissime de larmée rouge... Le nouveau
gouvernement allemand semblait avoir réussi cette gageure de démolir en quelques heures
le travail de quinze ans de diplomatie et de propagande et de dresser contre elle, comme
jadis, lopinion du monde entier Réactions françaises On avait tant répété : " Larrivée au pouvoir dHitler sera la fin de tout ", que cet événement apporta à lopinion française une sorte de soulagement : lhomme à chemise brune sétant assis daims le fauteuil de Bismarck, les Français saperçurent que la terre continuait à tourner. La presse de droite se trouvait partagée entre deux sentiments : la satisfaction de pouvoir exploiter le succès hitlérien dans sa traditionnelle excitation belliqueuse contre le " Boche " et, dautre part, une sympathie assez mal dissimulée pour les principes du nouveau régime dictatorial et lapothéose de la matraque. Dans la presse de gauche, par contre, les persécutions antisémites ne pouvaient manquer de soulever lindignation. On assista alors à un assez singulier spectacle : Certains pacifistes qui la veille niaient les devoirs envers la patrie ou prônaient même lobjection de conscience, prirent feu soudain et se déclarèrent prêts à remettre sac au dos (ou à le remettre sur le dos des autres) et à lever l'étendard jacobin de "lUnion des Démocraties contre toutes les dictatures". LAllemagne était subitement redevenue la " bête enragée " de lEurope et dans les feuilles qui, la veille, brandissaient le rameau dolivier, voilà que refleurit instantanément. la phraséologie du 2 août 1914 sur la Guerre Sainte contre le militarisme prussien. Pour un observateur objectif, il nétait pas sans mélancolie de voir les plus sincères pacifistes manquer à tel point de sang-froid et entrer aussi bénévolement dans le jeu des munitionnaires en nous conviant assez exactement à une guerre de religion, sinon à une nouvelle guerre du "Droit" (1)... Grand redresseur de torts, le Français est porté à vilipender toute forme de gouvernement qui lui déplairait pour son usage personnel, sans se demander si le dit régime ne donne point entière satisfaction à la majorité du peuple voisin, autrement dit, à jouer le rôle de lépouse du " médecin malgré lui ", si bien que lItalien ou le Russe, ou lAllemand, pourrait lui rétorquer : "Et sil me plaît à moi dêtre battu !" Suivant une très généreuse tradition, la France sest immédiatement déclarée prête à recueillir les nouveaux émigrés, de même que la Prusse avait accueilli jadis les protestants français après la révocation de lEdit de Nantes. Mais une fois ce devoir dhumanité accompli, le rôle de la France devait-il consister ainsi que certains le demandaient, à prendre ouvertement parti pour une minorité contre le nouveau gouvernement de la Croix gammée ? (1) Presque seul, M. Bertrand de Jouvenel dans la République sest élevé contre le principe de cette nouvelle mystique belliqueuse. La politique française, plus sentimentale que réaliste, sest-elle félicitée d'avoir, depuis quinze ans, adopté le point de vue de toutes les minorités nationales de tous les étrangers qui fuyaient leur ingrate Patrie ? Une parfaite incohérence présida a ces effusions sentimentales puisque nos politiciens républicains ont pris parti pour les émigrés russes partisans de la plus rétrograde des autocraties - et en finançant les interventions armées des généraux tsaristes, nous ont brouillés avec la République des Soviets puis pour les rouges Italiens traqués par le " César de Carnaval " (Paul Boncour dixit), ce qui nous aliéna pour plusieurs années les sympathies du gouvernement fasciste ; et enfin pour les royalistes espagnols, ce qui permit à M. Herriot de se faire huer par Madrid républicaine. La politique extérieure française doit rester indépendante de la forme des gouvernements étrangers et il eût été assez ridicule de prendre en mains une cause que les libéraux doutre-Rhin avaient su mal défendue eux-mêmes. Et cependant, voyant le trouble des partis pacifistes les éternels partisans dune guerre "préventive" la politique de "Gribouille" nont pas manqué de s'agiter et les mêmes énergumènes de cafés du Commerce qui s'interrompaient jadis de déplacer des petits drapeaux sur une carte pour déclarer aux poilus "Il faut aller jusquau bout pour que vos enfants ne voient jamais CELA !" étaient tout prêts à s'écrier : "Recommençons vite, pour que vous ne manquiez pas de voir CELA encore une fois !" Dans les interviews de certains réfugiés allemands on vit poindre un assez inquiétant état desprit : " Seule, une prochaine guerre, disent certains bons apôtres, nous permettra de faire enfin la véritable révolution et dinstaurer en Allemagne une authentique République. " Les révolutionnaires russes tenaient en 1914 le même raisonnement et comptaient sur la débâcle des armées impériales pour renverser labsolutisme. Mais peut-être le peuple français eût-il préféré ne pas sacrifier deux millions de ses enfants pour assurer en Russie le triomphe du communisme, et préfère-t-il aujourdhui ne pas être entraîné dans une nouvelle hécatombe pour permettre aux allemands, artisans de leur propre ruine de réparer leurs fautes. Sil se déclare toujours prêt de bon cur à accueillir les proscrits, le Français serait toutefois reconnaissant aux " minorités " opprimées des pays voisins de vouloir bien dresser elles-mêmes leurs barricades et déviter le moyen un peu onéreux durne nouvelle guerre dextermination a seule fin de faire triompher leur idéal politique Opinions de la jeunesse intellectuelle française Toutes les révolutions et tous les coups dÉtat comportent des brutalités et du sang versé. Refuser de prendre connaissance de la doctrines nazi, du "fait" hitlérien parce que des énergumènes ont ignoblement torturé des femmes et des vieillards serait aussi sot que de supprimer de lHistoire de France la Déclaration des Droits de lHomme sous prétexte que la Révolution a guillotiné 13.000 personnes des deux sexes à Paris, sans compter les mitraillades de Lyon et les noyades de Nantes. Et les Versaillais massacrant en une semaine 30.000 communards nétaient pas plus tendres que les sections dassaut hitlériennes, les chemises noires romaines ou les " gars à Lénine " du dictateur Bela Kuhn. Une intéressante revue doctrinaire, La Revue du Siècle, a eu lidée dinterroger de jeunes écrivains appartenant à des paris différents sur ce fait nouveau et gros de conséquences : " Dans trois au moins des plus grands pays dEurope, Russie, Italie, Allemagne une vivante jeunesse se développe, affichant sa volonté de puissance servant des idéaux divergents certes , mais qui se proposent dêtre réellement des idéaux de vie " Certes, le tour dhorizon est loin dêtre complet, on remarque des absences regrettables, en particulier celle des représentants du groupe " Esprit ". mais cette enquête donne toutefois quelques indications curieuses. M. Georges Dupeyron, communiste déclare que lhitlérisme, de même que le fascisme, ne font que reprendre avec plus dhypocrisie la défense des intérêts capitalistes et constate que la " jeunesse française " manque dâme : " Cest le résultat dun certain enseignement, mais surtout le fait dun vieillissement réel de notre race. Nous sommes ceux qui, politiquement avons tout connu, tout expérimenté, ceux a qui " on ne la fait pas ". Cette peur paysanne dêtre dupes ce traditionalisme égoïste quoique bien peu sagace, cette angoisse du risque, cette assurance vaniteuse cet excès, de rationalisme universitaire, ce besoin avare de mêler toujours, de leau à du vin, voilà ce qui enlève du ton, de l énergie, de la conviction à nos tentatives. Nous avons, dans l ensemble, plutôt le goût dune lucide médiocrité que le sens de lhéroïsme, du sacrifice. Enfin, nous navons pas foi dans laction. Aussi bien à lextrême droite qui à lextrême gauche. A ce point de vue pas de doute possible : la jeunesse hitlérienne lemporte sur toutes nos "jeunesses". Mais lécurante insuffisance, le simplisme humoristique , le manque de perspective de lidéologie hitlérienne sont tels que malgré cette absence de vigueur et de courage chez les nôtres, nous pouvons avec un mépris réciproque, ignorer ces gens-là et tourner notre attention vers les vrais problèmes : linternationalisme bien compris (je veux dire dépouillé de tout le vieux fond sentimental et religieux), la paix raisonnablement justifiée par une nouvelle conception philosophique du monde la culture renouvelée, opposée au vieil humanisme désormais sans prise sur le réel et sans prolongement affectif. " M. Denis de Rougemont, protestant et adhérent au groupe de "lOrdre Nouveau", fait de même la critique de la jeunesse française : " En face de deux pays gouvernés par des hommes de quarante ans c'est-à-dire par les chefs de la jeunesse révolutionnaire en face dune Russie dont le dynamisme juvénile est assez puissant pour animer la plus sclérosée des doctrines étatistes, la France offre le spectacle de sa gérontocratie bavarde, de ses petites niaiseries parlementaires de son ballet désuet : droite-gauche, gauche-droite En face de jeunesses bottées nu-tête, chemise ouverte, dont notre presse aime à railler les uniformes, quavons-nous à aligner? Un attirail de faux-cols durs, de rosettes de gros ventres et de chapeaux melon. La France nest plus contemporaine des nations qui lentourent et qui la menacent. Tel est le fait. Elle souffre dune carence aiguë de la jeunesse Cest pourquoi le problème de son destin se confond avec le problème de notre génération. La sécurité ne sera jamais garantie par la signature des vieillards; elle repose sur la lait puissance révolutionnaire, c'est-à-dire sur la jeunesse de la nation ". M. Jean-Pierre Max, qui apporte lexpression du mouvement "catholique réaliste" ne cache point sa sympathie pour le mouvement nouveau : " Psychologiquement, lhitlérisme est né dune crise effroyable, qui, en Allemagne comme ailleurs , a atteint dabord la jeunesse et que trop de journaux "patriotes" ont méconnue ou feint dignorer. Il est né aussi partiellement d'un état d'esprit unanime de la nation allemande dressé contre ce que tous appellent là-bas "lhypocrisie de Versailles". La France, par lorgane de ses gouvernements successifs, a eu le tort de saccrocher à ce traité, "mauvais traité", "trop faible pour ce quil a de dur, trop dur pour ce quil a de faible" - au lieu davoir une politique internationale, tenace, humaine continue et manuvrière. Mais est-ce possible en démocratie ? Lhitlérisme apporte, dailleurs, à lAllemagne, plus dune valeur réelle et féconde. Son état desprit révolutionnaire et personnaliste, sa critique du prêt à intérêt, son défi (apparent du moins) porté au préjugé démocratique, son attitude aussi antimarxiste quantilibérale procèdent des seuls principes qui puissent permettre à lEurope de trouver un avenir ." M. Maxence refuse toutefois de convier la jeunesse française à un pseudo-hitlérisme, mais déclare quil ne deviendrait ladversaire de lhitlérisme allemand quau cas où sa politique extérieure tendrait à un asservissement de la France. M. Thierry Maulnier, royaliste dAction Française déplore lui aussi, de ne pas découvrir denthousiasme dans la jeunesse française : "Si une question se pose de façon urgente en France, cest la question de la jeunesse. Il est impossible de découvrir en France, à lheure qu'il est, un enthousiasme, une foi, une espérance constructive (1) analogues à celles qui animent les jeunesses dAllemagne d'Italie et de Russie. La raison en est, dune part, dans le manque de cohésion doctrinale, dans la défiance à légard des idées et des sacrifices que toute idée exige : la raison en est aussi dans une extrême passivité. La jeunesse française est actuellement la jeunesse la moins révolutionnaire, la plus conservatrice du monde; létranger le sait du reste, et le reproche, adressé à la France, dêtre une nation "passéiste" se justifie, pour une grande part, par là. Cette passivité nous ne devons pas l'accepter. La tâche de tous ceux qui ont aujourdhui conscience de leur responsabilité dans le destin collectif est de tonifier la jeunesse, de lui donner des motifs daction et dexaltation égaux à ceux qui animent ses voisines, et de mettre la communauté française en état de jouer un autre rôle que le rôle passif quon lui a trop appris, passivité de droite, ou passivité de la résistance, passivité de gauche ou passivité clé la soumission... Le régime hitlérien nest ni plus absurde, ni plus odieux, ni plus ridicule que notre propre régime ; il possède, assurément plus de dignité, de spiritualité, de grandeur Il importe donc que les Français cessent de se mêler de juger le régime intérieur de lAllemagne ; si nous avons à nous opposer à lAllemagne, cest dans la mesure où elle nous menace, et dans cette mesure seulement." Enfin, Daniel Rops, lauteur du Monde sans âme, fait la déclaration suivante : " Une politique extérieure incohérente qui na ni su organiser une paix fraternelle ni faire respecter le prestige dû à la force, aboutit à livrer au monde limage dun pays hargneux, craintif prêt aux abdications, et demain sans doute voire a une guerre quil naura pas voulue, mais quil naura pas su éviter. Dans le domaine intérieur, un grand désordre et un manque de foi vont de pair et. Ce qui malgré tout, saccomplit (car la race est bonne) se fait sans grandeur, souvent contre la loi écrite, en marge ou en rupture de principes. Quelle magnifique partie cependant nous avons à jouer! Demain, ceux dentre nous qui participeront au pouvoir (puisque nous vieillissons:..) auront, sils le veulent, un immense espoir partout manifeste pour les soutenir et les encourager. Il sagit de rendre à la France son rôle. Les expériences que nous voyons se poursuivre autour de nous sont destructives à maints points de vue. Que le système américain ait fait faillite, cela prouve au moins quon ne nie pas impunément la personne humaine, quil y a en elle des forces ignorées des grands producteurs et des agents de publicité. La tentation russe tend au grégarisme et naboutit quà une caricature dun vassalisme un universalisme des instincts. La révolution hitlérienne, jeune encore, est certes une chose importante : ses hases racistes n'ont de valeur que sentimentale, et lexpérience nazie ne vaut que pour l'outre-Rhin. Le fascisme, enfin, qui est allé le plus loin dans une conception universaliste, inverse la hiérarchie primordiale et. tend à considérer lhomme comme créé pour les institutions, et non les institutions pour lhomme. Ces systèmes voisins ne nous indiquent-ils pas notre destin ? Nous aurons à créer un système où la personne humaine ne soit plus la victime de léconomique, où lhomme ne sidentifie plus à sa fonction." (1) Et la jeunesse "dAction française" pourrait-on demander avec quelque malice à M. Thierry Maulnier ? |
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