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CRAPOUILLOT juillet 1933

P 57-60

  LE PROGRAMME HITLERIEN

Fort à propos, l’idéologie du nationalisme allemand fournit son objet à l’esprit de révolte patriotique de la génération du front, jeunes hommes de bonne volonté généreux, exaltés, mûris trop tôt par une vie tragique mais peut-être peu préparés à leur rôle de réformateur : leurs études sommaires, abrégées par la guerre leur culture encore imparfaite aboutirent aux vingt-cinq points du programme hitlérien en leur honnête simplicité. De là, une première impression d'impuissance, effacée plus tard par une victoire électorale sans précédent. C’est en se basant sur le droit des peuples à disposer d’eux-mêmes que le parti national-socialiste prétendit reconstituer une nation allemande ouverte à tous les individus de sang allemand Il exigea pour la communauté nationale des droits égaux à ceux dés autres peuples et tout naturellement l’abolition des traités de Versailles et de Saint-Germain qui morcelèrent les territoires des Empires Centraux et enlevèrent à l’Allemagne républicaine ses colonies. Désormais, toute immigration sera prohibée ; les " étrangers " implantés depuis le 2 août 1914 en Allemagne quitteront le Reich. Par étrangers, il faut entendre les non-Allemands et les Juifs. Seront expulsés de même les ressortissants des nations étrangères — juridiquement les "hôtes" de l’Allemagne — durant les périodes difficiles où l’alimentation de la population pourrait être compromise par un trop grand afflux de bouches inutiles : les journaliers polonais, notamment.  Ainsi protégés par ces lois d’exception, les citoyens allemands auront pour premier devoir de travailler de leur intelligence ou de leurs mains à la prospérité de l’État sans jamais aller à l’encontre des intérêts de la communauté : les employés et ouvriers participeront aux bénéfices des grandes entreprises, les vieillards jouiront d’une retraite ; les sociétés d’exploitation ou Trusts seront étatisées et abolis les revenus dur capital (qui ne proviennent point du travail), ainsi que les prêts à intérêts. Quant aux " profiteurs " de guerre, leur enrichissement criminel s’écroulera par la confiscation intégrale de leurs bénéfices.Une loi permettra de confisquer ainsi les terres (au profit de la communauté), refrénera toute spéculation sur le sol et supprimera la rente foncière. L’État, par ses écoles, où entreront gratuitement tous les enfants pauvres bien doués permettra à tous les citoyens d’accéder aux emplois les plus élevés sans distinction de leur rang social et il introduira l’hygiène, la gymnastique, le sport dans l’éducation nationale. Pour lutter contre le mensonge politique et sa propagation par la presse, une loi interdira aux journaux étrangers de paraître en langue allemande et aux non-Allemands de participer, même indirectement, à la publication des journaux que seuls, des citoyens allemands rédigeront : "Nous exigeons, dit le paragraphe 23 du programme, que toute participation financière à des journaux allemands et que toute influence exercée sur eux soient interdites aux étrangers par la loi. En cas de contravention, nous exigeons la suppression du journal et l’expulsion des étrangers ayant été intéressé à ce journal (1)."                                                                                La loi luttera contre toutes tendances artistiques et littéraires " nuisibles aux mœurs du peuple allemand " (le cubisme par exemple).Le parti, placé sur le terrain d’un christianisme positif, combattra l’esprit judéo-matérialiste et respectera toutes les confessions, sauf celles qui sont immorales, nuisibles ou contraires au sentiment moral de la race germanique. Et pour rendre possible la réalisation de son programme, il imposera la création d’un pouvoir central, solide, étendu à tout le Reich, appuyé sur les Chambres de métiers et de professions et exigera le remplacement des troupes mercenaires par une armée nationale...

La précarité d’une idéologie élémentaire caractérise ce premier programme, lu par Hitler, en février 1920 à la réunion du Holfbräuhaus de Munich, mais la ligne principale en est très nette : L’Allemagne aux Allemands; — dans l’intérêt général, qui prime l’intérêt particulier, l’individu collabore à la grandeur de la race germanique et doit se contenter d’une " liberté d’Etat " ; — la communauté socialiste tutélaire protège et favorise l’Allemand authentique et refuse toute immixtion des étrangers dans la vie nationale ; — la question sociale est résolue par l’abolition de la servitude des intérêts attribués aux capitaux.    

(1) Reproduit d’après Le Programme national-socialiste publié par O.Schied (Perrin)     

Une seconde rédaction du programme et des commentaires appropriés situe sur un terrain plus solide — mais toujours idéologique — la nouvelle "REFORME" entreprise par le parti national-socialiste : Marxisme et Capitalisme se confondent. " ... Tandis que le marxisme essaie d’exproprier les propriétaires pour que toute chose appartienne à tout le monde, tandis que la finance juive internationale exproprie réellement tous les travailleurs, manuels et intellectuels, au profit d’une clique parasite, sans patrie ni culture, le national-socialisme aspire au pouvoir pour assurer "à chacun son dû". La plus importante mesure a prendre, c’est l’abolition de la servitude des intérêts. "Sont soumis à cette servitude : les cultivateurs qui se font ouvrir des crédits et perdent la majeure partie de leurs bénéfices, parce qu’ils sont obligés de payer des intérêts, ou qui ne se relèvent pas de la misère, parce que les hypothèques pèsent trop lourdement sur eux. "Les ouvriers qui, dans les usines et dans les ateliers, travaillent pour un maigre salaire, alors que les actionnaires oisifs touchent intérêts, tantièmes et dividendes. Tous ceux qui gagnent leur pain à la sueur de leur front, tous les travailleurs, intellectuels et manuels, pendant qu’un nombre relativement restreint de financiers de banquiers et de spéculateurs gagnent de très grosses sommes sans se fatiguer beaucoup. — Ne sont pas visés ici les petits rentiers qui touchent les intérêts de leurs économies il est vrai qu’eux aussi doivent leurs intérêts à cette institution foncièrement fausse ; mais il faut remarquer, d’autre part, qu’on a frustré ces mêmes petits rentiers d’une somme cent fois plus grande que celle qu’ils touchent sous forme d’intérêt. Si l’Etat leur supprime les intérêts, il leur restituera d’un autre côté la partie de leur salaire à laquelle ils avaient droit et qu’ils n’ont jamais touchée. Ils ne perdront donc rien. Sont soumis à la servitude des intérêts les industriels qui ont donné à leur entreprise la forme d’une Société par actions dont ils deviennent peu à peu les esclaves. Tous les gens qui se procurent de l’argent en émettant des emprunts, tous les peuples qui perdent le contrôle de leurs finances, de leurs chemins de fer, de leurs impôts et de leurs douanes ; c’est le cas de l’Allemagne. "L’abolition de cette servitude, c’est la solution de la question sociale (1)." Ni dictature du " prolétariat ", ni dictature du "profitariat " Guerre aux capitalistes "de métier" qui vivent en marge des entreprises et pour lesquelles le labeur des producteurs n’est qu’un mot ; ils tirent de la vente et de l’achat des valeurs mobilières représentatives et du placement de leur argent des bénéfices qui ne répondent à aucune activité, à aucune production personnelle et réelle.

(1) Cité d’après les Mémoires d’Hitler et Le Programme national-socialiste par O.Schied.                                         

  En conséquence :

CONDAMNATION A MORT DES SPECULATEURS ET DES USURIERS.

CONFISCATION DES BÉNÉFICES DE GUERRE ET DES PROFITS DE LA RÉVOLUTION, DES BIENS ACCUMULÉS PAR LES AVARES.

PARTICIPATION AUX BÉNÉFICES DE LA GROSSE INDUSTRIE.

ETATISATION DE TOUTES LES GRANDES ENTREPRISES, DE TOUS LES TRUSTS.

ABOLITION DES IMPOTS INDIRECTS.

ETATISATION DES BANQUES.

" Non seulement l’État lui-même, explique Feder, théoricien du parti, mais tous les particuliers, doivent entreprendre la lutte contre le brigandage des banques privées. Que produisent-elles ? Rien. Que gagnent-elles ? Des sommes immenses. Le système des intérêts qui fait la prospérité des banques entrave le développement naturel de la vie économique et pervertit les esprits. Au lieu d’ouvrir son cœur, au lieu de vivre et de travailler pour la race, l’industriel se laisse, peu à peu, séduire par l’exemple du banquier et au lieu de chercher à adapter la production à la consommation il essaie avant tout de faire de lucratives opérations financières."

Mais ni les usines, ni les mines, ni les forges, ni les chantiers ne se seront étatisés ni partagés les initiatives individuelles pourront continuer à s'y donner libre cours. De même, les grands propriétaires continueront à gérer leurs domaines .Mais les Allemands seuls posséderont la terre, 1'exploiteront dans l’intérêt général et l’Allemagne produira sa nourriture sur son propre sol. Défense d’hypothéquer ou de spéculer sur les terres : l’Etat ouvrira des crédits et il aura un droit de préemption, d’expropriation et de confiscation si l’exploitation est insuffisante ou si les terres sont acquises de façon illégale ; il répartira les contrées incultes entre les mains des jeunes paysans les plus aptes. La propriété et l’héritage seront respectés, mais "le bien public" s’oppose à ce que les richesses s’entassent démesurément entre les mains de quelques-uns ".

Au besoin, la "politique extérieure" par la conquête — procurera des terres à l’agriculture allemande...

L’Etat n’empruntera plus (abolition de la servitude des intérêts) : Pour les grands travaux d’utilité publique il émettra des billets de banque (par la banque d’Etat) non plus garantis, en l’espèce, par une encaisse métallique ou des valeurs préexistantes, mais par les bénéfices futurs des entreprises, créés grâce à l’émission de "billets supplémentaires" qui seront retirés tôt ou tard de la circulation au fur et à mesure que ces bénéfices reviendront, sous forme de saine monnaie, à la caisse de l’Etat-propriétaire. Reste à savoir ce qu’il adviendra au cas où l’entreprise serait déficitaire ?

. . . Peu importe au National-Socialisme qui lutte contre la religion de l’argent, contre la finance internationale, légendaire combat entre l’esprit créateur et idéaliste personnifié dans l’Aryen et l’esprit matérialiste et cupide incarné dans le Juif!

. . . Car les bases spirituelles du mouvement hitlérien sont là : dans l’exaltation de la race aryenne (à laquelle appartient la race germanique-nordique) conquérante et civilisatrice.. Elle s’est heurtée dans son expansion universelle aux "contre-races" autochtones et aussi dans l’Occident contemporain, à la race juive dont elle contrarie l’épanouissement. De nos jours, cette notion d’une "âme raciale" prend corps, indifférente à l’esprit chrétien qui dépasse la race, comme à l’humanisme qui l’ignore. Le "sang" reprend toute sa valeur qu’il faut préserver de tout mélange (ainsi que l’ont fait les Américains dur Nord à l’égard des hommes de couleur) et purifier encore — par sélection animale pour perpétuer une humanité forte et perfectible à laquelle il convient d’offrir un christianisme rénové, positif germanique racial, et aussi un nouveau droit spécifiquement germanique-allemand par opposition à l’antique droit romain périmé et "bourgeois" . Ainsi fondera-t-on ancré au sol nourricier de la nation qui maintiendra les qualités de la race, "l’Empire allemand des Allemands".

" . . . Ce programme révèle à la fois une sincère volonté des réformes sociales et une démagogie uniquement .soucieuse de capter des voix , déclarera objectivement Günther Gründel, tout s'y coudoie, l’altruisme le plus généreux à la. monomanie raciale la plus étroite, le désintéressement le plus complet à une incroyable ignorance des réalités et des possibilités de la vie.., Ceux qui aiment les formules brèves, claires, marquées au coin du bon sens, exprimant avec précision ce qui est important de dire, ne doivent pas s’adresser au parti national socialiste."

De toute évidence, il y aura des accommodements avec les nécessités, des repentirs, des concessions faites au capitalisme tout de même bien vivant et à l’économie politique classique bafouée : des déclarations récentes et semi-officielles "prennent grand soin de faire remarquer qu'il n’existe pas encore de programme économique bien établi et cohérent dur parti national-socialiste". La doctrine de la race ne peut être elle-même acceptée sans critique si l’on songe que la plupart des grands hommes représentatifs de l’Allemagne n’appartiennent pas à la race purement nordique tant vantée - pas plus d’ailleurs que les dirigeants du mouvement national-socialiste ! — Et d’ailleurs il ne suffit pas de savoir manier la charrue et le sabre , à la manière des vieux Germains , pour prendre dans la société moderne mercantile, rusée, mouvante, complexe, la première place .

Les militaires, si valeureux qu’ils soient, n’ont jamais passé pour très doués en politique et la direction spirituelle des peuples leur échappe à peu près totalement…

 

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