SCEAUX-DU-GATINAIS - 4/17

Aquae Segetae sur la Table de Peutinger

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La Table de Peutinger

   La Table de Peutinger est la copie d'une carte romaine qui couvre tout l'Empire Romain, et même au-delà, jusqu'en Chine. Cette reproduction a été faite par un moine de Colmar à la fin du XIIe siècle à partir d'une autre copie réalisée vers 350 dont l'original, disparu, est encore plus ancien.
   Cette carte a été découverte en 1494, à Worms dans une bibliothèque. Elle a été confiée à Konrad Peutinger (d'où son nom) qui est mort avant d'avoir eu le temps de la publier. Elle est aujourd'hui conservée à la Bibliothèque nationale de Vienne.
   Ce document, constitué de 11 parchemins (le 12ème, manquant, représentait sans doute la péninsule ibérique et une partie de la Grande Bretagne) mesure plus de 6 mètres de long et 30 cm de large.


Le découpage des 11 parchemins connus

   La carte dessine les principales routes de l'ensemble de l'Empire Romain. C'est une représentation schématique qui ne tient pas compte de l'échelle. Elle a été conçue pour permettre de se rendre facilement d'un point à un autre, de connaître les distances des étapes, sans offrir une représentation fidèle de la réalité. De fait, elle est considérée comme la première représentation cartographique d'un réseau. Les distances sont exprimées la plupart du temps en milles romains (1480 m) mais aussi dans d'autres unités si elles étaient en cours dans une région, par exemple les lieues gauloises (2220 m). Cela permettait d'avoir une idée assez exacte de la distance et du temps pour se rendre de n'importe quel point à un autre, même si parfois quelques liaisons ne sont pas indiquées.
   Les villes sont représentées par deux maisons, les cités importantes comme Rome, Constantinople, Antioche sont signalées par un médaillon orné, une importance particulière est accordée au dessin des villes thermales.
Inévitablement, la Table comporte des erreurs de copistes et des inexactitudes. Elle est probablement basée sur la carte du monde préparée par Marcus Vipsanius Agrippa* (né en 64 av. J.-C., mort en 12 av. J.-C.), un ami personnel de l'Empereur Auguste. Après sa mort, la carte a été gravée dans le marbre et placée sur le Porticus Vipsaniæ, non loin de l'Autel de la Paix d'Auguste, le long de la Via Flaminia.
Toutefois, la table de Peutinger est sans doute une version actualisée au IVe siècle car elle montre la ville de Constantinople qui fut fondée en 328. Les informations les plus anciennes datent vraisemblablement d'avant 79 ap. J.-C. puisque Pompéi y est indiquée.
* Certains contestent un lien direct entre la carte d'Agrippa (dont nous savons peu de choses) et la Table de Peutinger

Aquae Segetae sur la table de Peutinger

   La station thermale d'Aquae Segetae est représentée sur la Table de Peutinger sous l'appellation "Aquis Segeste" comme le montre l'extrait ci-dessus. Elle se situe sur la route d'Orléans à Sens.
Orléans est localisé bizarrement au sud de la Loire (le trait ondulé noir au-dessus de Cenabo représente la Loire car "Liger" est inscrit sur la carte un peu plus en amont) et appelé "Cenabo" pour Cenabum" alors qu'on aurait pu attendre "Aurelianis", nom d'Orléans à la période de rédaction de la carte. Sens est orthographié "Agennecum" au lieu de
"Agendincum".
Paris (Lutece) se trouve placé quasiment sur la Loire.
La carte nous indique la distance entre Cenabo (Orléans) et Lutece (Paris), soit XLVII (47 lieues, environ 104 kms, ce qui montre l'exactitude des distances sur cette carte). Remarquons que Lutece, notre capitale actuelle, n'est pas représentée comme une cité importante, elle ne possède pas le figuré des deux maisons accolées comme Orléans. On trouve sous ce même figuré sur la carte Chartres (Autricum) et Bourges (Avaricum) ; Argentomagus (Argenton-sur-Creuse) est figuré au même rang que Lutece (voir la carte en bas).
   Entre Orléans et Sceaux se trouve une ville nommée "Fines" qui se trouverait d'après la Table à XV lieues d'Orléans et à XXII lieues de Sceaux. Quelle est cette ville "Fines?"
Laissons parler Jacques Soyer :

 "
C'est, en effet, à Ingrannes même que je n'hésite pas à placer la station de Fines de la Table de Peutinger... Ingrannes était du diocèse d'Orléans, tandis qu'à l'est la paroisse voisine, Chambon-la-Forêt, était du diocèse de Sens. Il est hors de doute qu'à l'époque gauloise, c'est là qu'était la limite entre les Senones et les Carnutes, limite d'ailleurs naturelle, formée par le « r'ain » oriental de la vaste forêt d'Orléans... La Table de Peutinger indique de Fines à Cenabum XV leugae, 15 lieues gauloises c'est-à-dire 33 kilom. 322. Or, en réalité, on compte d'Ingrannes à Orléans 26 kilom. 800. Il y a là une erreur de copiste facile à rectifier : il faut lire XII au lieu de XV, déformation facilement explicable en paléographie : le scribe a tracé non verticalement les chiffres romains II, en sorte que les bases des deux I ont fini par se rencontrer et donner naissance à un V. XII leugae = 26 kil. 658." Lire l'ensemble du texte ( à partir de la page 17)

   La table de Peutinger, source historique, confirme bien ce qu'a montré l'archéologie :
Aquae Segetae était desservie par une voie romaine de grande importance, le sanctuaire se trouvait à la limite des deux peuples gaulois : les Carnutes et les Senons. Cette route est connue sous diverses appellations. Ecoutons ce qu'en dit J. Soyer :

 ".. sous les noms de « chemin de César », « chemin de Jules César », ou « grand chemin de César », « chemin chaussé », « chemin perré », « haut chemin », « ancien chemin des Romains », « grand chemin de Sens à Orléans4 », en passant par Batilly-en-Gâtinais, Sceaux-du-Gâtinais, bourg près duquel (exactement au Préau) se trouvait un lieu de pèlerinage gallo-romain très important5, indiqué sur la Table de Peutinger sous le vocable Aquis Segeste, qu'il faut rectifier en Aquis Segetae (Segeta était une divinité gauloise de la santé). Le théâtre qu'on y a découvert pouvait contenir de 13,000 à 14,000 spectateurs."Voir le texte en entier.


Les cinq stations thermales de la Gaule

   La table de Peutinger représente la station thermale d'Aquae Segetae par 8 ouvertures, comme celle de Vichy (Aquae Calidis), ce qui en atteste son importance, seules ces deux stations sont figurées avec ce logo. En revanche, Montbouy et Triguères ne figurent pas sur la Table.
Quatre autres stations thermales de la Gaule figurent (sur les 52 de l'Empire Romain) :
- Aquis Bormonis, la station thermale de Bourbon-l'Archambault figure avec 7 ouvertures
-
Aquae Nisinaeï (Saint-Honoré-les-Bains, dans la Nièvre) figure avec 6 ouvertures
-
Aquae Calidis (Vichy) avec 8 ouvertures
-
Aquae Segetae (Moingt-Monbrisson) avec 7 ouvertures (il y a donc deux stations thermales qui portent le même nom)

Fait singulier, les deux stations thermales nommées Aquae Segetae sont les seules qui ont disparu du thermalisme national, les trois autres sont encore en activité.
 

L'Aquis Segetae de Moingt-Montbrison

    La table de Peutinger présente deux vignettes, indiquant des thermes, avec le même toponyme «Aquis Segetae».
    Le premier forum-sanctuaire est celui de Sceaux du Gâtinais, le second est localisé près du bourg de Moingt, avec une extension du site en direction de Montbrison. Dans les deux cas, les sources étaient placées sous la protection d'une même divinité gauloise, Segeta.
    Celle-ci est-elle la grande déesse des Ségusiaves, le peuple gaulois occupant la région de Montbrison ? Comment expliquer, dans ce cas,
l'origine de son culte dans la vallée du Fusain ?
    Il est curieux de constater que les fouilles primitives ont commencé, pour les deux sites archéologiques, au même moment, à la fin du second Empire. En 1858, pour Moingt, dans le jardin de la chapelle Sainte-Eugénie, où les fouilles permettent de dégager le captage de la «source romaine» et les vestiges d'un établissement de bains. A la même époque, dans le marais de Sceaux, le prénom Eugénie connaît une grande faveur, probablement liée à la popularité de 1' Impératrice.
   
La comparaison des rapports de fouilles est édifiante. Même captage d'une source, qui conduit à une cuve ou bassin, puis à des thermes contigus. Par contre, les thermes de Moingt présentent cinq salles construites en «opus incertum» avec parement extérieur en petits moellons rectangulaires, en assises régulières sans chaînage de briques. Le forum-sanctuaire de Sceaux édifié autour de la source sacrée offre le même parement, avec chaînage de trois rangs de briques. Les théâtres peuvent être comparés : 80m. de diamètre à Moingt, 105m. à Sceaux.
    Les fouilles ont révélé la présence de salles pavées de carreaux de couleurs diverses (schistes, terres cuites) avec plaques de marbre et murs revêtus d'enduits peints polychromes.
    Les thermes curatifs, chauffés par un hypocauste et assainis par un égout, l'abondance d'ossements d'animaux, de coquilles d'huîtres, les débris de poterie commune et de céramique sigillée, tout cela indique, la présence de nombreux curistes fréquentant ces deux stations thermales.
    Moingt est riche de deux inscriptions fragmentaires (l'une donne le nom d'un flamine du culte impérial) Sceaux à la chance de posséder une inscription complète (deux fragments en marbre, avec dédicace à la déesse Segeta).
    Dans les deux cas,
Vabondance des monnaies permet de suivre les grandes pé
riodes de prospérité, qui alternent avec des crises (comme celle du IIIème siècle). Mêmes traces de destruction violente, avec incendie, colonnes brisées et poutres calcinées qui mériteraient une étude comparative entre les deux stations. Par contre l'
Aquis Segetae de Moingt semble avoir retrouvé une prospérité plus tardive (avec céramiques paléochrétiennes ?).

Source : "Sceaux-du-Gâtinais, un passé de prestige". Groupe HISTOIRE & ARCHEOLOGIE du Foyer Rural de Château-Landon

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