C'est Siméon, dit
le stylite (vers 390 à 459 av JC), qui fut le premier à inaugurer une
nouvelle manière de s'isoler du monde. Siméon est né près de
Nicopolis, aux confins de la Syrie et de la Cilicie. Âgé de 13 ans, il
distribue ses biens et quitte son métier de berger pour entrer au
monastère de Teleda. Là il mène une vie d'ascète, ne mange qu'une fois
par semaine, porte un cilice. Il se retire ensuite au nord-est d'Antioche
où il se fait murer dans une cellule pour le carême, il se fait plus
tard enchaîner sur une montagne voisine. Pour échapper aux pèlerins qui
affluent vers lui, il a l'idée géniale de monter sur une colonne de 2,70
m pour s'isoler (d'où l'appellation de stylite, du grec
"stylos" : colonne).
Du haut de son perchoir (qui atteignit finalement 18 m), couvert seulement
de son bonnet, les yeux brûlés par le soleil, souffrant d'ulcères,
Siméon haranguait la foule, convertissait les païens. Le succès de son
entreprise se répandit dans le monde entier et de nombreux disciples
l'imitèrent (les moines stylites). Ainsi, Paul le Jeune, au Xème
siècle, décida d'élire domicile sur un piton rocheux, dans le massif du
Latmos. Autour de ce rocher fut édifié le monastère de Stylos (tout
comme fut construit autour de la colonne de Siméon des sanctuaires dont
de magnifiques ruinent subsistent).
Cette forme d'ascétisme est en tout point comparable avec le départ pour
le désert d'Egypte de St Antoine et de Pacôme au IVème siècle. A cette
époque, les persécutions des Chrétiens ont cessé, les moines ermites
prennent ainsi le relais des martyrs. En se détournant du monde, ils
condamnent les valeurs de la cité terrestre pour se rapprocher de celle
de Dieu. Jusqu'au VIIème siècle, des milliers d'hommes, en Egypte, en
Syrie et dans tout le Proche Orient sont partis vivre seuls (en
anachorète) pour se rapprocher par anticipation de leur dieu. L'ascète
du désert s'impose des privations corporelles : jeûnes de plus en plus
longs, nourriture de pain rassis ou moisi, d'herbes sauvages (moines
brouteurs de la mer Noire), de graines, d'eau croupie... sommeil minimum
dans des positions inconfortables (debout, au creux des arbres, sur des
rochers ou colonnes, dans des grottes, dans des puits asséchés, dans des
cages suspendues aux arbres...). La prière est la principale occupation
de ces ascètes, ils prient des heures entières, allongés sur le sol, au
soleil, les bras en croix. Ils s'imposent un silence complet (certains ont
fait vœu de ne plus jamais parler) et des mortifications (ils baissent
les yeux constamment vers le sol). Les novices se soumettent à des
épreuves initiatiques imposées par leur modèle : arroser un bâton sec
planté dans le désert pendant des années, tresser et détresser le
même panier d'osier continuellement...
Ces moines affamés, assoiffés, fiévreux cherchent ainsi à tuer leur
corps pour mieux accéder à la méditation, certains connaissent des
illuminations, des visitations, conversent avec les anges... D'autres
connaissent aussi des échecs, des tentations (comme St Antoine), sont
victimes d'apparitions démoniaques et craignant pour leur salut quittent
le désert.
Bientôt, au Moyen Age, l'ascétisme sous la forme de l'érémitisme
disparaît au profit du cénobitisme, la vie dans les monastères. Cette
vie, plus humaine, est institutionnalisée par la règle de St Benoît et
plus tard par celle de Cîteaux (St Bernard).
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